PhiloVIVE ! La philosophie orale et vivante

 

CESARIENNES. L'Humanité éventrée.

L'augmentation inquiétante du nombre de césariennes oblige à poser une question qui dérange : la césarienne de convenance est-elle convenable ? La mère sait-elle ce qu'elle y risque, elle et l'enfant ? Le soignant sait-il qu'il peut s'y perdre ?

“Rendre à César...”

Commençons par le commencement, c’est-à-dire l’origine. Il y a deux origines au mot césarienne.
L’étymologie, latine : caedere signifie couper. C’est déjà clair : il s’agit d’ouvrir le ventre de la mère pour en sortir l’enfant.
Et l'histoire raconte qu’un ancêtre de Jules César serait né par incision de l’utérus maternel. Si l’opération a été pratiquée fréquemment depuis des temps immémoriaux, ça n’était jamais que pour enlever l'enfant à des femmes mortes en couches : la première césarienne avec survie maternelle semble remonter au XVIe siècle.








D.R.





Jusqu’en 1960 la césarienne était réservée aux accouchements compliqués (bassin trop étroit, placenta mal placé, etc). Les temps changent : aujourd'hui on évoque plutôt la "convenance personnelle" que la nécesssité médicale. Comment comprendre cette "convenance personnelle", supposant l'éventration convenable, et la césarienne convenue, comme allant de soi ?! Autant il est nécessaire d'opérer quand l'accouchement ne peut avoir lieu, autant il paraît absurde de convenir d'opérer de toute façon ! Les faits sont pourtant là : le nombre de césariennes est en croissance exponentielle.
En 1960, 3 % des enfants naissaient par césarienne en France, en 1981 : 10,9 %, en 1990 : 14 %, en 2000 : 18%, et en 2007 : 20,3 % !
On peut "progresser" encore : aux States on atteint les 30 %, les Italiens font 35 %, et les Brésiliens (les riches) font exploser le score avec 70 % de césariennes quand des maternités chinoises dépassent les 80 % ! L'OMS s'en inquiète et réclame qu'on ne dépasse pas les quinze pour cent. Tiens donc, et pourquoi, si c'est convenable ?

Le bébé est une personne.

Rappelons cette évidences : on sait depuis une quarantaine d'années à peine que le bébé est doué de conscience, avant même de naître. Il est conscient de sa naissance, qui prend une assez grande part dans son caractère, selon la façon dont on lui souhaite la bienvenue dans ce monde. Non, il n’est pas une chose qu’on retire d’un ventre. Qu'il y ait aujourd'hui des césariennes, non plus à cause de nécessités vitales, mais "pour convenance personnelle" réclame une explication. Comment peut-on en arriver à trouver préférable d'ouvrir un ventre ? Il doit bien y avoir une raison intelligible.

On évoque la peur d'accoucher : certaines femmes considèreraient le bistouri comme moins terrifiant !? Plus convenable ?

Serait-il préférable pour l'enfant d’être retiré du ventre plutôt que d’en sortir par la voie naturelle ?
Serait-ce moins douloureux, moins traumatisant pour lui ? Serait-ce préférable pour la mère ? Serait-ce par exemple un moyen de protéger son périnée (on pourrait tout à fait trouver inconvenant de souffrir d’incontinence) ?

Je prétends démontrer ici la vacuité de ces arguments en m'appuyant sur des avis d'experts tel que celui du président du Collège national des gynécologues-obstétriciens français (Cngof), Jacques Lansac

Pour la femme

La césarienne n'améliore pas sa sécurité : le taux de complications graves est élevé (18 %), les risques d'hémorragie et la mortalité sont plus élevés que pour la voix basse. Le risque de rupture utérine peut compromettre les prochaines naissances :

Mesdames, on vous fera une césarienne... parce qu'on vous en aura fait une prédécemment ! Quel bel exemple d'auto-légitimation !

Ce n'est pas automatique (vous verrez, dans l'article d'Irene Pregent qui suit, sa joie quand la récidive est évitée) mais tout de même !
Quant à l'incontinence, le risque est le même par voix basse ou césarienne : ça n'est donc pas une raison valable.



Pour l’enfant

En dépit de l’augmentation du taux de césariennes, le taux de mortalité périnatale n’a pas diminué ! En revanche le taux de la maladie des membranes hyalines, principale cause de détresse respiratoire du nouveau-né, est 140 fois plus élevé qu’après un accouchement par voie vaginale.
Le risque de mort fœtale in utero à terme est également plus important après une première naissance par césarienne qu’après une première naissance par voie vaginale.
Et le risque d’hypertension pulmonaire persistante chez l’enfant est cinq fois plus élevé après césarienne qu’après accouchement par voie basse.
Sans compter que l'enfant peut se prendre un coup de bistouri (ou autres traumatismes). C'est rare mais...

Certes ces chiffres sont faibles, mais si les 800 000 naissances françaises se faisaient par césarienne, on verrait que le nombre d’enfants ayant une lésion traumatique due à l’intervention serait de 4000 par an !









Si ça n’est profitable ni à l’enfant, ni à la mère, pourquoi ouvrir des ventres ?

Là est la question : POURQUOI ?

Peut-être parce que c’est profitable aux soignants. Osons le dire : c'est plus facile d'organiser des césariennes que des accouchements. On sait à quelle heure on va sortir les bistouris, et combien de temps ça va prendre (très peu comparé à un accouchement), tandis qu’on n’a quasiment aucune idée du moment où un accouchement va commencer, du temps que ça va prendre et de la manière dont ça va se faire.
Gilles de Maistre, réalisateur du Premier Cri (film montrant des naissances aux quatre coins du monde) a témoigné de la difficulté qu’il a eu à tourner son film : il fallait suivre chaque femme enceinte, avec toute une équipe prête à tourner à tout moment.

On ne sait absolument pas quand ça va commencer, on ne le sait pas à l’heure près, ni au jour près, ni même à une semaine, voire plusieurs semaines !

Voilà ce qui gêne l’hopital, où tout doit être bien organisé : la naissance est indéterminée.
On veut donc la déterminer.
On veut que tout soit programmé, on veut donc qu’il n’y ait plus de naissance : qu’on sorte l’enfant, comme on enlève une tumeur ! Quand on veut, comme on veut. Que ce ne soit plus l’enfant qui naisse, ni la femme qui accouche, mais l’hopital qui vide un ventre.
Alors le service médical peut montrer son efficacité : il maîtrise ! Dès la "naissance", on peut voir certaines équipes médicales se féliciter pour leur efficacité, se photographier avec le bébé dans les bras, tel un trophée : We made it ! et oubliant au passage que la mère doit être assistée, et pas transformée en corps manipulable.
Vous comprenez, le soignant a envie de partir en week-end : il préférera faire une césarienne de convenance un vendredi après-midi, que se soumettre aux lois imprévisibles de l’accouchement, et perdre son week-end à attendre qu'une femme perde les eaux.
Comprenez, niveau sécurité, mieux vaut profiter de la présence de médecins... qui préfèrent dispenser leurs soins aux heures ouvrables.
Comprenez : la césarienne assure une meilleure rémunération pour un travail moins pénible que celui que réclame l’accouchement par voie basse.

Certains voient dans cette affaire un problème corporel, matériel, physique, organisationnel, ou économique : il faut les ramener à la réalité, leur dire, leur répéter, leur hurler, jusqu'à ce qu'ils l'entendent, que la mère et l’enfant sont des personnes. Il s’agit de leur existence. Leur prix est inestimable, aussi inestimable que la dignité.

Ce qui a un prix peut être aussi bien remplacé par quelque chose d’autre, à titre d’équivalent ; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, II (trad. V. Delbos).

Rappelons que soigner signifie prendre soin d’une personne.
S'il considère le soigné comme un soi-nié, un paquet d’organes à manipuler, le soignant n’est plus qu’un soi-niant. Il perd sa dignité en ne rendant plus service aux êtres humains, mais en devenant prestataire de service, accomplissant son oeuvre avec la même dextérité qu’un mécano. En se passant d'humanité ! Quel dommage !

Ô soignants, assumez votre existence !

C'est bien d'elle qu'il est question, et de votre courage de vivre, lorsqu'il s'agit d'assumer votre joli rôle : vous ne pouvez bien exercer votre superbe métier que si vous l'aimez et en assumez l'entière responsabilité.

Quand je fais des cours sur la liberté et la responsabilité, je pose une question qui paraît simple : qui tient le poignard de l'assassin ? On a beau penser que nous sommes tous déterminés, que l'assassin tue à cause de sa pathologie (c'est un malade, c'est pas sa faute), que "c'est la faute à la société", à l'éducation... mais en fin de compte c'est c'est bien lui qui tient le poignard. Voyez où je veux en venir : c'est VOUS qui maniez le bistouri.

Bien sûr je connais l'aspect médico-légal, vous pouvez avoir peur de l'avocat qui se tient derrière la porte de la salle de travail. Bien sûr les assurances vous serrent la gorge. Mais ayez le courage de penser que c'est aussi une femme et un enfant qui s'en remettent à vous !

Dans Le Premier cri, on voit comment se déroulent les naissances dans la plus grande maternité du monde, au Vietnam : plus de 45.000 naissances chaque année, 17.000 seulement par voie normale, les 28.000 restants se font à l’aide de forceps, de ventouses ou par césarienne. Vu le nombre, pas question de tarder sur un accouchement ! Voilà une organisation efficace qui peut servir de modèle !?

On ne fait pas un enfant parce que c'est rentable, ou parce que c'est pratique. D'ailleurs on ne FAIT pas un enfant. Il naît : c'est un évènement auquel on peut assister, qu'on peut faciliter, mais qui ne nous appartient pas. Nous voilà devant des processus qui nous échappent, et doivent nous échapper. Tiens, voilà que je deviens mystique...

Dans les pays scandinaves on fait moins d'affaires : le taux de césarienne est de 10% seulement, et le taux de mortalité à la naissance est plus bas... Peut-être parce que leur foi oblige les soignants à avoir une âme ?

Peu importe la religion : on peut être athée et être une bonne âme. J’aimerais que tous les hommes qui participent à la naissance d’un enfant y voient un miracle s’accomplir. Qu'ils cessent de ne voir dans la femme qu'un corps dont ils se prétendent maîtres. Qu'ils se contentent de contempler un évènement sacralisé. Sacré comme la vie. Comme la femme. Comme l'enfant. Qu'ils cessent de prétendre faire de la vie même un phénomène "simplement" corporel, envisageable à leur profit. J'aimerais les voir retourner leur veste enfin, avouer leur défaite devant ce mystère. Ainsi Descartes commença par affirmer que les hommes devaient devenir comme maîtres et possesseurs du monde, puis découvrit la morale, c'est-à-dire la modestie, et préféra affirmer qu'il est plus facile de changer ses désirs que l'ordre du monde.

Il est plus facile, et moins dangereux, et plus humain, de laisser les enfants naître !

François Housset

www.philovive.fr





D.R.









Liens internes (même auteur, thèmes proches) :








Liens externes :








Ils ont dit...

Selon une définition des Nations Unies (extraite du document produit par le groupe de spécialistes pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes du Conseil de l’Europe), est considéré comme acte violent :
“Tout acte, omission ou conduite servant à infliger des souffrances physiques, sexuelles ou mentales, directement ou indirectement, au moyen de tromperies, de séductions, de menaces, de contrainte ou de tout autre moyen, à toute femme et ayant pour but et pour effet de l’intimider, de la punir ou de l’humilier ou de la maintenir dans des rôles stéréotypés liés à son sexe, ou de lui refuser sa dignité humaine, son autonomie sexuelle, son intégrité physique, mentale et morale, ou d’ébranler sa sécurité personnelle, son amour-propre ou sa personnalité, ou de diminuer ses capacités physiques ou intellectuelles.”
Rapport final d’activités du EG-S-VL, groupe de spécialistes pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes, Conseil de l’Europe, Strasbourg, juin 1997.

“Je vois ce qui est le mieux et je l’approuve ; mais j’accomplis le pire.”
OVIDE, Métamorphoses.

“Quand un imbécile fait quelque chose dont il a honte, il déclare toujours que c’est son devoir.”
G.B. Shaw, César et Cléopâtre.

“Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité.”
REICH, Écoute petit homme !

Mais quand je pense aux nouveaux-nés que tu tortures pour en faire des “hommes normaux” à ton image, j’ai envie de revenir vers toi pour empêcher ce crime.
REICH Ecoute, petit homme !

“Notre volonté ne se portant à suivre ni à fuir aucune chose, que selon que notre entendement la lui représente bonne ou mauvaise, il suffit de bien juger pour bien faire.”
DESCARTES, Discours de la méthode III











Conférence autour de la césarienne[, organisée par l'association BIEN NAÎTRE EN NORMANDIE le 13 mai 2009.


De gauche à droite : François Housset (philosophe), Sidonie Deve (présidente Bien Naître en Normandie), Dr Jean-Claude Huret, gynécologue obstétricien, Président pendant 20 ans de la Maison Verte « Farandoles », auteur de « Naissance, paroles d’un obstétricien » pendant 20 chef de service de la maternité du Bélvédere (seine maritime), ancien chef de clinique de la faculté de médecine de Rouen; Irène Pergent, sage-femme, accompagnante en Haptonomie ; Marie-Christine Leguellec, psychologue psychanalyste, membre de l’association « Parents Aujourd’hui » et du Réseau Périnatalité




















LA CESARIENNE


Irène Pergent, Sage Femme libérale, accompagnante en Haptonomie

Je n’ai pas l’expérience d’avoir vécu la césarienne en tant que mère, mais celle d’avoir accueilli des bébés en salle de césarienne pendant ma pratique hospitalière et d’accompagner des couples,des Bébés en haptonomie… ah oui, j’oubliais quand même un lien direct puisque je suis née moi-même par césarienne, cela fait bien longtemps mais comme me disait ma fille quand je lui annonçais le sujet de la réunion (elle a elle-même travaillé comme infirmière en service de césarienne) « la césarienne, c’est parfois indispensable, d’ailleurs sans elle tu ne serais pas là –et elle non plus d’ailleurs !- aujourd’hui ! » !

J’ai envie d’aborder avec vous plusieurs questions :

Différence entre césarienne programmée et césarienne en urgence ? Nouvelle grossesse après une césarienne ? Vécus de la mère ? Du père ? Du Bébé ? Comment « préparer » et « réparer » une césarienne ?

Mais il existe des personnes beaucoup mieux placées que moi pour en parler et je voudrais plutôt commencer par vous livrer quelques-uns de leurs témoignages :

- Celui de cette maman en pleurs que j’ai eue au téléphone voici quelques jours :

« Tout se passait très bien, la dilatation avançait bien, je suis arrivée à dilatation complète et puis là, catastrophe, le bébé ne descendait pas, ils ont décidé une césarienne ; j’ai pleuré pendant tout le temps ; je n’acceptais pas ; encore maintenant, je ne comprends pas, je n’accepte pas ; j’ai appris que mon compagnon (non présent à la césarienne) avait pleuré de son côté lui aussi »

(j’ai aussitôt proposé à cette maman de nous revoir rapidement… on prend rendez-vous, elle l'annule aujourd'hui par tél: la cicatrice n'est pas bien, l'allaitement ne marche pas, elle est très fatiguée, na pas le moral va voir le généraliste cet après-midi!...et moi, j'irai la voir à domicile demain... pour essayer de « réparer »!...)

- Celui de cette autre maman qui a laissé un message sur mon blog :

« L’haptonomie m’a apporté une aide précieuse au moment de l’accouchement car je peux vous dire qu’une césarienne en urgence ce n’est pas de tout repos ! Alors, à ce moment-là, pouvoir penser à tous les échanges qu’on a déjà eus avec son Bébé, ces moments forts où on le sent venir se loger au creux de votre main à travers votre ventre car il vous a entendu l’appeler, c’est le meilleur tranquillisant pour passer ce moment difficile ! »

(moment rendu d'autant plus difficile ensuite pour cette maman, qu'elle a dû subir une autre intervention dans les jours suivant sa césarienne et même être transférée sur Paris)

Sans doute la décision de la césarienne joue-t-elle un rôle ?

Ecoutons ce qu’en dit Chantal Birman (sage-femme ; la seule à avoir eu la Légion d’Honneur ; membre du CIANE) dans son beau livre « Au Monde …Ce qu’accoucher veut dire »

« L'indication de césarienne joue un rôle très important dans la façon dont les femmes vont la vivre. Plus elle est évidente, mieux elle sera vécue »

La décision peut même apporter un soulagement par rapport à une inquiétude partagée avec le couple pour un rythme cardiaque inquiétant chez le Bébé Il ne faut pas oublier non plus que la naissance par voie vaginale ouvre une nouvelle dimension à la sensualité, à la sexualité et que ce passage est tellement intolérable pour certaines femmes qu'elles s'y refusent (consciemment ou non): la demande de césarienne dans ce cas-là doit être entendue, discutée avec délicatesse... …Ecoutons aussi ce que dit Jacqueline Lavillonière qui pratique depuis 30 ans des accouchements à domicile… dont parfois certains se terminent par une césarienne !

« les césariennes dues à un échec de la dynamique de l'accouchement se multiplient...une des origines se trouve aussi dans l'impatience, la peur et toutes les interventions intempestives et parfois inutiles comme les déclenchements mal indiqués...

Parfois même, l'enfant semble voler au secours de sa mère, venant mettre fin à un travail épuisant dont on ne voyait pas le bout mais que des professionnels auraient peut-être tenté de prolonger un peu... » il n'empêche... « l'atterrissage peut être rude: entre le rêve d'un accouchement parfait dans la paix et la plénitude, les préparations où l'on a voulu tout mettre de son côté et la réalité de l'intervention, il y a un abîme!... Elle raconte aussi quelques témoignages dans son livre « Naître tout simplement »...et j'aimerais vous en lire un extrait page 82 « l'accouchement démarré à domicile n'avançait pas... »

Et lors d’un deuxième accouchement alors qu’il y a eu une césarienne pour le premier ?

- je pense à cette maman qui voulait à tout prix éviter une autre césarienne alors que son conjoint lui, ne la refusait pas et même avait l’air de la souhaiter… pour pouvoir profiter de l’enfant en premier et faire du « peau à peau » avec lui… Que croyez vous qu’il arriva ?... ce fut le papa qui gagna ! - je pense à ces mamans, ayant réussi un accouchement « naturel » la deuxième fois et se sentant reconnues, valorisées par cet accouchement: l'une d'elles m'a raconté hier par téléphone la naissance de son 2ème Bébé, les doutes qui la tenaillaient pendant les alertes puis quand l'accouchement a vraiment commencé, et la naissance rapide, magique, avec péri mais sans épisio de sa fille...

Mais écoutons à nouveau C. Birman et J. Lavillonnière: Chantal Birman nous dit que lorsqu'une femme tente un accouchement par voie basse après une césarienne, une décélération cardiaque foetale ou un ralentissement de la dilatation se produit fréquemment au même stade que lors du premier accouchement et l'équipe médicale peut avoir trop souvent tendance à précipiter les choses. Or,insiste-t-elle, ce temps d'arrêt où l'histoire semble bégayer doit être absolument interprété comme une prise d'élan pour bondir au delà de la première histoire et non comme une répétition attendue et prévisible...le personnel médical doit alors faire preuve de confiance supplémentaire: la femme a besoin de cette confiance: elle doit lui être donnée, se dire et s'entendre... Jacqueline insite sur le fait qu'une deuxième césarienne n'est pas une fatalité et que , contrairement aux idées reçues, il y a peu d'indications de césariennes à répétition...mais même si une nouvelle césarienne ne peut être évitée, celle-ci sera vécue très différemment si on donne aux parents l'occasion de tenter tout ce qui est possible, si on les accompagne... ….extraits: 1. témoignage d'un père page 85 2. lettre à un médecin page 86

Et les Bébés dans tout ça ?

Plusieurs témoignages : Chantal B. dit que les « Bébés sont étonnamment calmes, comme en attente que leur mère retrouve des forces pour s’occuper d’eux » …papas et professionnels s’accordent souvent à dire que les bébés qui peuvent manifester bruyamment et vigoureusement leur désarroi d’avoir été « arrachés » de leur mère se calment et s’éveillent dès qu’ils entendent la voix de leur père et se sécurisent en (re)trouvant le contact de sa main (surtout s’ils la connaissent déjà bien par l’haptonomie !) et JCH et le 1er témoignage que j'ai cité au début nous ont montré l’importance d’expliquer au Bébé, de rester en contact avec lui…

Maintenant allons faire un tour auprès de Michel Odent, obstétricien, médecin-chef pendant longtemps de la Maternité de Pithiviers, fondateur du « Primal Health Research Center » et expert auprès de l’OMS, il est l’auteur de nombreux ouvrages dont un s’intitule justement « Césariennes : Questions, effets, enjeux , Alerte face à la banalisation»… Certaines questions ayant déjà été abordées ici, écoutons surtout ce qu’il dit par rapport aux Bébés :

« Naître, c'est entrer dans le monde des microbes

...quels seront les premiers microbes à coloniser le corps d'un nouveau-né? Il apparaît très clairement que, d'un point de vue bactériologique, le nouveau-né a besoin d'être d'urgence en contact avec une seule personne: sa mère!...le mammifère humain a été programmé pour venir au monde par un orifice situé à proximité de l'anus maternel. Cela est une sorte de garantie que le NN et particulièrement son tube digestif sera immédiatement contaminé par une grande quantité de germes amicaux portés par sa mère qui lui fournit en même temps les anti-corps...le BB né par césarienne rencontre d'abord les microbes qui se trouvent dans l'air d'un centre hospitalier et ceux dont sont porteurs les membres de l'équipe et sa flore intestinale s'en trouve radicalement différente... il dit aussi que

« Naître, c'est aussi entrer dans le monde des odeurs!

...le rôle du sens de l'odorat dans les comportements humains- particulièrement pendant la période qui entoure la naissance a été -et est encore?- traditionnellement méconnu...Or, il y a de fortes connexions entre le sens de l'odorat et la libération d'ocytocine, hormone de l'amour...si les odeurs naturelles influencent l'interaction entre mère et nouveau-né, il nous faut admettre qu'il y a une différence fondamentale entre une naissance par voie haute en salle de césarienne et une naissance sans médicaments dans un environnement moins médicalisé... » … Cela résonne beaucoup chez moi avec ce que me disait Catherine Dolto, médecin généraliste, pédiatre, formatrice et accompagnante en Haptonomie :

« Dans les 4 heures maximum après sa naissance, un Bébé devrait avoir pu faire l’inventaire sensoriel de son environnement et ainsi (re) trouver ses re-pères( !) (re-mères ?) car c’est à partir du moment où il pourra se dire « c’est bien eux » qu’il pourra alors se dire… « donc, c’est bien moi ».

Mais retournons auprès de Michel Odent quand il explique, expériences scientifiques à l’appui, que les femelles mammifères, qu’on soumet à un déclenchement (et qui n’ont donc pas l’occasion de secréter de l’ocytocine, hormone naturelle qui s’appelle aussi « hormone de l’amour » ou qui subissent une césarienne avant le travail (donc sans sécréter de l’ocytocine) ne s’intéressent pas à leurs petits !...Il explique aussi bien sûr, que chez nous les humains, notre capacité d’anticiper et nos comportements qui sont moins directement sous l'effet de l'équilibre hormonal et plus directement sous l'effet du milieu culturel nous permettent de compenser cela et d’établir un attachement …car, heureusement, partout dans le monde, des millions de femmes ont pris soin de leur bébé après naissance par césarienne ou péridurale, ou après un déclenchement, encore faut-il que les conditions s’y prêtent et nous trouvons sans doute là quelques éclairages sur les difficultés éventuelles dans la relation mère-enfant mais Marie-Christine vous en parlera mieux que moi...

Ce qui vient d'être dit sur les odeurs, les micobes, le lien mère-enfant nous oblige à parler de l'allaitement: Bien sûr, il faut respecter le choix de la mère qui ne souhaite pas allaiter, même si c'est aussi notre devoir de professionnel de lui donner TOUS les éléments pour qu'elle puisse faire un choix éclairé!

Ce qui a été évoqué plus haut souligne les avantages de l'allaitement maternel, avantages habituels: passage d'anticorps, odeur et proximité plus grande avec la mère, relation mère enfant facilitée et chez la mère, libération d'ocytocine, la fameuse hormone de l'amour!...mais si ces avantages sont encore plus à privilégier après une césarienne, des difficultés peuvent venir les contre carrer: l'ocytocine n'a peut-être pas pu commencer à être secrétée s'il n'y a pas eu de travail(et donc la mise en route de la lactation un peu plus difficile), la maman peut être douloureuse et avoir du mal à se mobiliser et aussi ces sentiments de « détachement » ou d'échec déjà évoqués...C'est donc là aussi à l'équipe de se mobiliser pour tout faire pour que ces difficultés ne deviennent pas des obstacles...et je pense à cette maman qui me disait ces jours-ci combien elle avait apprécié que, dès la salle de réveil, une sage-femme reste auprès d'elle et l'entoure pour faciliter la 1ère mise au sein

Pour conclure, quelques éléments bien simples (même s’ils ne sont pas toujours évidents à réaliser) pour entourer l'évènement d'une césarienne : - essayer de l’envisager sereinement comme une des issues possibles de la grossesse et savoir comment s’y préparer - respecter le cheminement de la femme, du couple, du bébé, leur expliquer les raisons de la décision (j’entends encore ce médecin marmonner entre ses dents, devant la femme bien sûr ! « ça va monter au bloc » contente la femme de se voir traitée de « ça » !) - accepter la présence du père (s’il le souhaite, bien sûr !) ou sinon organiser le plus tôt possible et accompagner les « retrouvailles » - encourager l’allaitement …toujours si la mère le souhaite bien sûr ! et les moments de « peau à peau » - valoriser les compétences de la mère, aider la construction du lien mère-enfant - re-poser tout cela, re-causer de tout cela, assez rapidement et plus tard aussi, (même très tardivement ça peut être important : j’ai vu dernièrement des mamans (et faisant partie du monde médical toutes les deux) revivre les traumatismes de leurs césarienne, l’une 14 ans après , l’autre 30 ans après…il y a aussi l’importance à attacher à la cicatrice, c’est le lieu par lequel leur bébé est né : elles peuvent la chérir, l’apprivoiser, en faire un endroit sacré et comme le suggère si joliment C Birman « y broder en pensée, le prénom de leur bébé ».. ;

je vous livre le témoignage d'une infirmière en service de Césarienne: (précisons que cette infirmière reconnait avoir toujours quand elle était plus jeune souhaité subir une césarienne ou adopter un bébé par peur de l' accouchement...son travail dans ce service lui a montré que la césarienne n'avait pas que des avantages et elle a facilement renoncé à ce désir et accouché naturellement depuis!...) « Après leur césarienne, les femmes sont dans un état différent lié à l'indication de l'intervention: encore sous le stress du choc de la décision en urgence (souffrance foetale, dégradation de l'état de la mère (pré-éclampsie, rupture utérine) et inquiète pour la santé du bébé qui peut avoir été transféré ; ne comprenant pas ou plus ou moins coupable (stagnation de la dilatation) soulagée et parfois détachée(détachement accru avec son manque d'autonomie, ses douleurs...). Dans tous les cas, en plus des soins post-opératoires, il est essentiel de nouer le dialogue, d'établir la confiance avec l'équipe pour que ces mères retrouvent confiance en ells, d'aider à la relation mère- enfant, en particulier accompagner l'allaitement (qui va aider au lien et apporter au bébé les anti-corps qui lui ont manqué) allaitement rendu difficile par le manque de mobilisation de la mère et qui risque de ne pas marcher si elle n'est pas bien entourée) accorder une vigilance toute particulière au père qui parfois a été seul avec le bébé en attendant que sa femme revienne du bloc et va aussi avoir à plus s'occuper du bébé par la suite(lui aussi peut être sous le stress ou l'incompréhension) il faut rassurer donner des nouvelles du bébé s'il n'est pas là, expliquer sa prise en charge qui peut être effrayante pour des parents non avertis...bref, ce n'est pas seulement une histoire de perf ou de cicatrice à soigner, la prise en charge devra être globale car ces trois-là (et parfois les proches, grans-parents etc ) il faut les COCOONER! »

- il y a aussi tout ce qu’on peut essayer de faire en haptonomie pour « préparer » d’abord et « réparer » ensuite mais ce n’est pas forcément le sujet de ce soir…

Bref, si la césarienne est parfois « superflue » et s’il faut savoir, pouvoir, vouloir éviter ses abus préjudiciables, elle est parfois aussi indispensable et dans ces cas-là, il faut tout mettre en œuvre pour qu’elle ne soit pas un échec mais plutôt une épreuve dont mère, père et enfant vont sortir avec le moins de traumatisme possible… Pour devenir mère, il n’est pas indispensable, d’accoucher par « voie basse », par le sexe ! il y a des femmes ayant subi des phénomènes douloureux intolérables…ou au contraire des péridurales trop fortement dosées être davantage des mères « empêchées » que d’autres femmes ayant accouché par césarienne ! Et si Michel Odent s'interroge sur l'avenir d'une société née par césarienne et si c'est un peu le sens de la réunion de ce soir...ne pouvons nous pas prendre quelques décisions? Invitons chaque femme à inventer sa façon de devenir mère ! Accueillons chaque enfant avec le plus de respect, d’attention, de délicatesse possible lors de sa venue au monde, quelque soit le « passage » qu’il a dû emprunter; que ce « passage » ne soit pas une rupture trop brutale entre sa vie intra-utérine et sa vie dans notre monde aérien, humain et fort imparfait !

Irène Pergent

Accès à son blog : LA VOIX DES BEBES

Commentaires

très intéressante cette intervention...même si je ne suis pas sûre que le nombre de césars à la maternité d'HO CHI MINH Ville ait avoir avec des bénefs...
j'envoie mon texte dès que possible (demain? ) comment mettre celui-ci sur mon blog "la voix des bébés"?
à mercredi!

Le massacre ne concerne pas que les désariennes ; il est de plus en plus dans les traduitions (japonaises, sur-américaines et autres) de se faire découper tout ce qui n'est aps dans les normes occidentales. Les yeux, les seins, les lèvres, etc) Si ça continue, j ene vais plus bander.

Ajouter un commentaire

Nouveau commentaire