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fr2009-12-13T13:32:15+01:00daily12009-12-13T13:32:15+01:00“Peut-on rire de tout?” - A. Onym
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2009-12-13T13:32:15+01:00A. OnymAjoutons à ces bons mots ceux de François Cavanna, dans BÊTE ET MECHANT :
"L'audace nous venait, de numéro en numéro, une allégresse féroce nous donnait des ailes, c'est peu dire que nous découvrions l'humour : nous l'inventions. Nous avions pris le départ pour faire de l'humour, du très bon...Ajoutons à ces bons mots ceux de François Cavanna, dans BÊTE ET MECHANT :
"L'audace nous venait, de numéro en numéro, une allégresse féroce nous donnait des ailes, c'est peu dire que nous découvrions l'humour : nous l'inventions. Nous avions pris le départ pour faire de l'humour, du très bon humour, un point c'est tout. C'est tout, croyions-nous. Pauvres de nous ! Notre modeste ambition d'honnêtes artisans était de déclencher le rire par les moyens qui nous faisaient rire nous-mêmes. Et voilà qu'il s'avérait qu'on ne peut faire rire qu'avec du vrai, du « qui existe ». L'humour ne saurait être anodin. L'humour est féroce, toujours. L'humour met a nu. L'humour juge, critique, condamne et tue. L'humour ne connaît pas la pitié. Ni les demi-mesures. Même le « nonsense » anglo-saxon, qui nous avait tant épatés, dont nous aimions l'impavide rectitude et la logique absurde, n'est pas neutre. II dépèce et ricane sauvagement, simplement ça se passe “en dedans”, dans le tréfonds secret du gentleman.
Très vite, Hara-Kiri fut brutal, teigneux, ravageur. C'est qu'on ne se penche pas sur le « réel » sans y piquer le coup de sang ! Affaire de tempérament, peut-être ? Alors nos tempéraments étaient miraculeusement semblables. Même le doux Cabu devenait enragé, et le contraste entre l'élégance de ses croquis et la violence de ce qu'ils disaient se faisait chaque mois plus saisissant.
L'humour est un coup de poing dans la gueule. L'allusion, l'ironie, la rosserie bien française nous semblaient pipi de chat. Rien n'est tabou, rien n'est respectable. Ceci cadrait a merveille avec mon matérialisme intransigeant. Tout rituel, tout symbole, précède d'une attitude magique. Foutons dehors a coups de pied au cul les vieux interdits, a commencer par Ie bon goût. A continuer par le sacré.
« La, vous allez trop loin ! II y a tout de même des choses auxquelles on n'a pas Ie droit de toucher !» Combien de fois nous l'a-t-on sortie, celle-la ! Non. Rien n'est sacre. Principe numéro un. Rien. Pas même ta propre mère, pas même les martyrs juifs, pas même ceux qui crèvent de faim... Rire de tout, de tout, férocement, amèrement, pour exorciser les vieux monstres. C'est leur faire trop d'honneur que de ne les aborder qu'avec la mine compassée. C'est justement du pire qu'il faut rire Ie plus fort ; c'est la ou ça te fait Ie plus mal que tu dois gratter au sang. La faim, la torture, la misère, l'exploitation, la guerre... Et la connerie, l'universelle et sainte connerie, mère de tous ces beaux enfants ! C'est rire jaune ? Eh, tout rire n'est-il pas jaune ? Même le classique gag de la bouche d'égout, s'il fait rire, n'est-ce pas du malheur du type tombé dans Ie trou ? Cela spontanément, férocement. Tout de suite après. Ie réflexe moral joue, on se juge ayant ri, on se condamne, on se penche sur Ie triste sort du malheureux, on se met a sa place, on participe a sa terreur, a ses blessures... A peine émis, voilà Ie rire qui tourne au jaune.
La satire est Ie rire de la bonne conscience. Elle traîne l'infame dans la boue, celui qui l'émet est sans tache. Merde a la satire, merde a la bonne conscience ! Nous sommes tous de bons salauds, des ordures même pas spectaculaires. Les monstres sont en nous AUSSI, et même davantage puisque nous, nous les savons là. Il n'y a pas d'archanges. Rions de nos propres gueules, traînons nous dans la merde avec tout Ie tas. Les autres, c'est nous AUSSI."
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