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LE HASARD EXISTE-T-IL ?

Comment accepter un événement qui paraît sans cause?

Le hasard existe-t-il, ou, sinon, faut-il croire au destin? L’alternative effraie: on voudrait tergiverser, considérer qu’une action peut parfois n’être due qu’au hasard, et parfois n’être que déterminée. C’est déjà considérer que les lois de la nature sont capricieuses. Mais comment les considérer sinon ? Comment prétendre à la fois que les événements résultent de concours de circonstances imprévisibles, et que l’on puisse pourtant agir en vue d’un résultat déterminable ?




Le hasard, s’il existe, est imprévu, voire imprévisible. Or nous savons dans une certaine mesure de quoi l’avenir sera fait (le soleil se lèvera très probablement demain...). Puisque l’on peut prévoir certains événements, il y a un principe actif qui organise l’ensemble des choses existantes : c’est la connaissance de ce principe qui nous permet de déterminer la suite des événements. Je peux par exemple comprendre qu’un objet tombe si je connais la loi de la pesanteur. Si tout événement, avec les séries de causes et de conséquences qui le déterminent, est apréhensible parce que déterminé, on peut dire qu’une pomme tombe d’un arbre parce qu’il était “écrit” qu’elle devait tomber précisément au moment où elle est tombée et comme elle est tombée. Il y a une “raison” dans le monde, consultable comme un livre ouvert (dès qu’on sait le lire): un événement survient parce que “c’est écrit”... dans le grand livre du monde.

On voudrait pourtant que le monde réponde à nos attentes, et parfois sans même savoir si elles sont réalistes : on voudrait que le monde délire avec nous... et il paraît le faire (on vante les atouts du rêve, de l’utopie : l’enthousiaste aurait plus de chances), au point qu’il peut paraître efficace de réclamer l’impossible. On constate ce genre d’irréalisme chez les personnes les plus “déterminées”, qui prétendent que devant la force de leur volonté les obstacles s’évanouissent comme par magie : ils semblent être écartés par un destin favorable. “La fortune sourit aux audacieux”. Par exemple, une rééducatrice (qui parvient à des résultats étonnants en réhabilitant des “cas sociaux” devant lesquels tous baissaient les bras) n’explique son succès que par le fait qu’elle s’y attend. Tout simplement. Il y a comme une connivence entre l’auteur d’une action et l’univers dans lequel il agit : certains paraissent avoir un ange gardien ; on dit qu’il ont de la chance ; d’autres voient les circonstances concourir à leur perte : on dit qu’ils s’opposent à un hasard malencontreux. Dans tous ces cas, il semble que les lois de l’univers sont déterminables par une volonté, comme s’il existait une entité pouvant décider du cours des choses selon un dessein arrêté. À ce stade, comment ne pas croire en la magie, ou devenir superstitieux, ou croire qu’un dieu exauce (ou pas) nos prières?

Libres donc autonomes (auto-nomia: qui se donne ses propres lois), nous ne devons être soumis ni au hasard ni au destin. Pour échapper à un ordre des choses totalement déterminé, il nous faut donc avoir en nous mêmes un principe d’action qui nous soit propre et que rien ne commande impérativement : une âme, un esprit... Là est le problème : quand nous agissons, il y a “quelque chose” en nous qui nous fait croire que notre action aura les résultat que nous espérons. Or nous ne connaissons pas assez l’ordre des causes et des effets pour savoir précisément quel sera le résultat de notre action (une cause est suivie d’un effet, qui lui-même est une cause, suivie d’un effet, qui lui-même est cause.... et ainsi de suite à l’infini ! comment s’y retrouver quand, de surcroît, une infinité de causes se conjuguent ensemble et interagissent les unes sur les autres!) : nous agissons comme en aveugles,et nous prétendons pourtant responsables de nos actes. Il faut donc que nous connaissions assez le futur pour nous y préparer -et puisque la connaissance de la causalité s’avère insuffisante, il faut que cette connaissance soit intuitive. D’où des rituels qui parfois peuvent paraître dénués de sens, mais qui ont leurs effets, aussi incroyable que cela paraisse. Un participant nous a expliqué qu’enfant il avait de grosses verrues aux genoux : sa grand-mère lui dit que depuis toujours on se débarrassait des verrues en jetant des haricots dans la mare. Ce qu’il fit : effectivement, ses verrues disparurent rapidement. Il ne renouvellerait pas l’expérience, à présent qu’il est adulte, mais il en conserve un doute persistant : et si, pour une raison qui nous échappe, le fait qu’il ait jeté des haricots dans une mare avait effectivement été pour quelque chose dans la disparition de ces verrues ? Rien ne le prouve, mais rien ne l’empêche absolument.

La première fois que j'ai animé un débat sur ce thème, c'était au Café de Rouen, le 15 avril 1997. Au sortir de ce débat, j'ai longuement admiré le vol d'un canard, en me demandant si son vol était une cause insignifiante pouvant avoir des effets incontrôlables. J'appris, en rentrant à Paris, que le Président Jacques Chirac avait décidé de dissoudre l'assemblée nationale. Comme par hasard !

François Housset


''Le hasard fait bien les choses'' Florence Hoffmann


à ce propos:

“Quand je trouve un mécanisme là où j’aurais cherché, là où j’aurai du rencontrer, semble-t-il, une intention, c’est ce que j’exprime en parlant de hasard”
Bergson, L’évolution créatrice Définition du hasard: “le concours de deux ou trois événements contingents, chacun desquels a ses causes, en sorte que leur concours n’en a aucune que l’on connaisse”
Jean de La Placette, Traité des jeux de hasard “La hasard, en définitive, c’est Dieu.”
Anatole France, Le Jardin d’Épicure.

... Il n’y a point de hasard: tout est épreuve, ou punition, ou récompense, ou prévoyance.”
Voltaire, Zadig ou la destinée, l’ermite. “Ne parlons plus de hasard ni de fortune, ou parlons-en seulement comme d’un nom dont nous couvrons notre ignorance.”
Bossuet Discours sur l’Histoire universelle, 3è partie, 8è chapitre. “Le hasard est le plus grand romancier du monde: pour être fécond, il n’y a qu’à l’étudier.”
Honoré de Balzac, La Comédie humaine, Avant-propos

“L’idée de hasard est l’idée de rencontre entre des faits rationnellement indépendants les uns des autres, rencontre qui n’est elle-même qu’un pur fait, auquel on ne peut assigner de loi ni de raison.”
Cournot, Traité de l’enchaînement des idées fondamentales dans les sciences et dans l’histoire.

“Un hasard n’est rien pour une âme froide ou distraite; il est un signe divin pour une âme obsédée.”
Ernest Renan, Vie de Jésus, préface de la treizième édition

“Il n’y a pas de hasard, parce que le hasard est la Providence des imbéciles, et la Justice veut que les imbéciles soient sans Providence.”
Léon Bloy, Le Mendiant ingrat, préface.

Spinoza: l’idée de hasard résulte du fait que notre connaissance est imparfaite: “l’ordre des causes nous échappe” au point qu’une chose peut paraître n’être ni nécessaire ni impossible.

Éthique I, proposition 33, scolie 1.

Commentaires

Si tu vois un canard blanc sûr un lac c'est peut être un signe.

Toi je te vois venir !

Et j'en suis ravi !

Serendipité et hasard , Quelle fraternité ?

L hasard quelque chose ne pas prévu mais peut être ressenti et négligé qui prend son importance lorsque l événement se produit d ou le hasard n existe pas dans notre pensée mais existe dans le réel

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